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LES VOIES DE COMMUNICATION DE LA VALLEE DE QUINT

Apperçu

Bien sûr un territoire homogène. Une vallée nord-sud cernée sur 3 côtés par des montagnes difficilement franchissables, mais ouverte au sud sur la vallée de la Drôme. C’est à peu près le
schéma actuel. Une route tout du long de la vallée, un pont sur la Drôme et direct à droite ou à gauche : Valence ou Gap. 

Est-­ce si simple ?
La petite rivière qui serpente au fond de la vallée, la Sure, a préféré contourner par l’est le petit mont sur lesquelles sont perchées les ruines des tours de Quint, plutôt que de déboucher logiquement dans la Drôme en continuant tout droit, à l’ouest du mont. Une histoire de géologie paraît-­il. Moins dur à gauche qu’à droite, mais qui a compliqué l’histoire. Sans compter que la vallée riante rit jaune au passage du verrou de Tourettes quasiment infranchissable. Un goulet de 15m de large et profond de 70m que pendant longtemps seule la rivière avait justement réussi à percer. Cela vaut le coup de creuser la question. 

Autarcie, ou pas ? On pouvait communiquer, ou pas ?

An zéro, au temps des Romains

Petit retour en arrière de 2000 ans environ. Les Romains, pour rejoindre la vallée du Rhône depuis la plaine de Pô, passaient par le Mont Genêvre, suivaient la Durance et pour traverser les Préalpes, se faufilaient par la vallée de la Drôme en passant par le col de Cabre. Une vraie route empierrée pour les charrettes, chars… c’était la voie romaine dite des Alpes, le long de laquelle s’établirent plusieurs villes dont Luc en Diois , initialement capitale des Voconces, qui cède son rang comme place forte à Die, puis Crest

Pour ce qui nous concerne, le tracé de la voie romaine en venant de Die passait sur la rive droite de la Drôme, à l’emplacement de la piste actuelle, puis, arrivé à l’embouchure de la Sure, à l’est du fameux mont de Sainte-Croix, traversait la Drôme par un pont, longeait celle­ci rive gauche pour à nouveau la traverser à Pontaix et continuer rive droite. (les voies romaines préféraient s’implanter sur des tronçons bien ensoleillés pour éviter les gels/dégels).

Les Romains ponctuaient leurs routes de bornes tous les mille pas, environ 1500m. Ces bornes milliaires indiquaient la distance des chefs­ lieux les plus proches. La 5ème borne en venant de Die se situait avant le pont, au débouché de la Sure. C’est elle qui a donné son nom à la vallée.

Il y avait bien aussi pour se déplacer des chemins, ou plutôt des sentiers, qui couvraient tout le « territoire ». N’empêche que pendant des centaines d’années, la seule route sur laquelle on pouvait circuler avec des charrettes évitait, ou contournait, la vallée de Quint.

Les Romains ou Gallo­Romains avaient finalement succombé sous la pression des différentes invasions « barbares » et laissé leur place vers le Ve siècle. Eux partis, il restait la route.

 

A partir du Ve siècle

Une petite vie a commencé à se créer au droit du pont. Un comte d’Aurillac, « St Giraud », en pèlerinage vers Rome au Xe siècle, a essaimé des prieurés sur son passage. C’est probablement lui qui a donné son nom au flanc de montagne qui domine l’embouchure de la Sure : St Girard.

Des seigneurs locaux, les comtes du Valentinois, ont trouvé l’endroit stratégique, à juste titre, et y ont construit leur château, ou leurs châteaux puisqu’il s’agit de 3 tours imposantes qui s’étagent dans le temps entre le XIIe et le XIIIe. 

Ces comtes possédaient également le château de Pontaix et pas mal d’autres seigneuries, ils exerçaient leur mandement sur la vallée de Quint, ainsi que sur Pontaix et Barsac. En fait, ils voulaient supplanter les évêques de Die et de Valence ! C’est juste pour dire que pendant plusieurs siècles, l’ambiance n’était pas bonne. Sans compter les horribles épidémies de lèpre, de peste ou du mal des ardents qui se sont abattues sur le pays pendant le Moyen­Âge.

A partir du Xe siècle

Outre le pouvoir qu’ils avaient bien envie de conquérir un peu plus, les fameux comtes ne rechignaient pas à améliorer leurs fins de mois. Ils instaurèrent un péage au pont sur la Drôme. L’endroit porte encore le nom de « tour de péage ». Quelques foyers ont dû s’y implanter. Un lieu­ dit porte encore aujourd’hui le nom de « le bourg ».

Mais l’endroit qu’avaient choisi les Romains pour traverser la Drôme était resserré, coincé entre une rivière aux débordements imprévisibles et des montagnes escarpées. Tant que l’endroit ne
servait qu’à traverser, il n’y avait pas de problème, mais pour développer un bourg et faire un véritable accès à la vallée de Quint, c’était plus difficile.
C’est donc logiquement que, lorsque des chanoines réguliers au XIe siècle, du genre ouverts sur la vie (plutôt que repliés et contemplatifs comme le sont les chanoines séculiers), choisissent avec l’aide des comtes de s’implanter au pied des Tours de Quint, c’est de l’autre côté du mont qu’ils s’installent. Côté ouest. Il y a ici beaucoup plus de place. Le site est visible par tous, les chemins vers le Vercors ou Beaufort passent par là. 

Le paiement de la dîme - 1615 / Peter Brueghel le Jeune (1564-1637)

Il a fallu attendre encore 2 siècles pour que le pont sur la Drôme soit déplacé à son emplacement actuel. Le vieux pont romain devait être bien mal en point. Une fraternité hospitalière basée à Saint Antoine l’Abbaye est alors reconnue par le Pape, qui crée l’ordre des
Antonins en 1297. Les moines s’étaient spécialisés à soigner le « mal des ardents ». Ils héritent à ce moment du prieuré et des terres de Sainte­-Croix. Les Antonins engagent de grands travaux à
l’abbaye, le bourg de Sainte-Croix s’implante à côté de celle­ci sur la route de crête qui mène à Beaufort, et finalement un nouveau pont est construit.

Une porte véritable vient réellement de s’ouvrir vers la vallée de Quint. Le passage est­-ouest, Die­-Valence devient alors aussi sud-nord, vallée de la Drôme­-Vercors. Cela commence, un
peu, à ressembler à notre situation actuelle. Il reste quand même le « verrou » de Tourettes. Encore 6 siècles et il sera levé.

La vallée, depuis Sainte-Croix jusqu’aux falaises de Font D’Urle, à laquelle se rajoutent les communes de Pontaix et de Barsac, constitue un « mandement » ; un nom vraiment du Moyen­Âge, qui se rapporte aussi bien à la communauté paroissiale qu’au territoire sur lequel s’exerce le pouvoir seigneurial. En tout cas un territoire homogène, pour ce qui concerne la vallée de Quint. 

Cela commence à ressembler à un territoire d’un point de vue administratif/religieux et topographique à partir du XIIIe siècle, entre paroisse et groupement de communes.

A partir de cette époque, les ordres religieux vont prospérer au détriment des pouvoirs seigneuriaux. Des prieurés se créent un peu partout. Dans notre vallée, Saint-Andéol et Vachères ont pour origine des prieurés des XIIIe et XIVe. Des liaisons s’établissent hors des limites naturelles pour rejoindre les maisons mères. Ces ecclésiastiques sont devenus les
nouveaux riches. Tous les pâturages où les habitants de Quint pouvaient conduire leurs troupeaux sont maintenant aux mains des seigneurs ecclésiastiques qui font payer durement
l’autorisation de pâturer. Le prieur de la commanderie de Sainte-­Croix (Antonins) était par surcroît « décimateur » dans la vallée (il pouvait prélever la dîme). Les transhumants étaient les
plus visés par ces interdictions ou impôts. Bref, tout concourait à ce que les habitants, au XVIe siècle, aient envie de rallier la Réforme pour lutter contre cette exploitation économique. Ce
qu’ils firent. La situation du Pays de Quint (difficilement accessible) lui a assuré certains avantages par rapport à certaines autres régions du Diois. Placé en dehors des courants
qui vont et viennent dans la vallée de la Drôme, il a souvent connu la paix quand ses voisins connaissaient la guerre. Le Pays de Quint, pour cette raison, fut un lieu de refuge pour les protestants. Vers la fin du XVIIe il était l’une des « loges » où les pasteurs du Désert réunissaient leurs fidèles. 

Bruno ROBINNE avec l’aide de Danièle LEBAILLIF, Guy GRANGER, André

POULET, Jacques PLANCHON, Jean-Luc PRINTEMPS.

Illustration d’en-tête : table de Peutinger

1- Patrimoine du Diois. Paysage, Architecture et histoire. Histoire de
territoire 2006

2- Un homme un village, les travaux et les jours dans le Haut Diois au XIXe, Séverine Beaunier 1977

3- Ulysse Richaud. Berger, poète, gentilhomme du cœur et de l’esprit, par Michel Wullschleger 2007

4- Le pays de Quint (diois septentrional). Daniel Faucher. 1920