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N.D.W : La présence des Antonins ayant fortement marquée la vallée, ce site contient des articles qui leur sont dédiés. Voir ici la thérapeutique de l’ergotisme et l’Ordre des Antonins

VIE DE SAINT ANTOINE

Selon la légende Antoine naît en Haute Égypte en 251, dans le petit village de Qeman. Héritier d’une riche famille chrétienne, il fait ses études à Alexandrie. A ses dix-huit ans, ses parents décèdent. Il reste seul avec une sœur cadette. Sa vocation se dessine quand il entend lire dans une église cette parole de l’évangile de Matthieu : «Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, suis-moi, et tu auras un trésor au ciel.» Alors, il vend tous ses biens, les distribue aux pauvres, installe sa sœur, selon ses vœux, dans une communauté féminine comme «vierge consacrée» et part dans le désert.

Ermite, il travaille la terre, prie, lit les Écritures et rend visite aux autres ermites.

C’est là que le Démon entre dans sa vie pour de longues années. Antoine doit résister aux attaques – tantôt séductrices, tantôt terrifiantes – du Malin. Il voit apparaître des figures monstrueuses, fréquemment représentées par les peintres chrétiens du Moyen-Âge. Le diable va redoubler ses assauts contre le saint homme, au point de le laisser évanoui et couvert de plaies. Ce sont les « Tentations de Saint-Antoine », contre lesquelles il combattra en menant une vie austère.

Grandes Heures de Jean de Berry

Horae ad usum Parisiensem - Grandes Heures de Jean de Berry - Jacquemart de Hesdin. Enlumineur -1431-1437 - Bibliothèque nationale de France.

La pratique du jeûne, les mortifications, l’étude assidue des saintes écritures, la prière constante seront ses armes. Sa force de caractère le fait entrer dans la légende.

Cherchant la solitude absolue pour méditer, Antoine va de désert en désert. Mais sa notoriété le rattrape. Peu à peu commencent à se rassembler autour de lui, des disciples qui viennent suivre son enseignement. Vivant à proximité, ils l’écoutent prêcher et s’associent à lui pour prier. Au fil des ans, ils forment différents groupes de disciples chapeautés par un plus ancien et choisissant tous Antoine comme guide spirituel.

Il fonde alors la communauté des Kellia (cellules). Chaque moine vit dans sa propre cellule qui est un ermitage. Chaque cellule comporte au moins deux pièces, l’une d’elles étant réservée à la prière et servant d’oratoire. Les cellules sont en briques crues, faites du sable limoneux extrait sur place et sont couvertes de voûtes en briques.

Cet ancien site monastique de Nitrie se trouvait dans la partie sud-ouest du delta du Nil, à une cinquantaine de kilomètres au sud est d’Alexandrie (1).

En 307 Hilarion de Gaza sollicite les conseils du saint homme sur la façon d’organiser un monastère dans l’actuelle région de Gaza.

Deir Mar Antonios

Monastère de Saint Antoine - Egypte -1930- photo Kazazian - Dumbarton Oaks Trustees for Harvard University -Washington DC 

Le monastère copte orthodoxe de Saint-Antoine ou Deir Mar Antonios est encore en activité aujourd’hui. Il serait le plus vieux monastère chrétien au monde. Sis sur le mont Qolzum, près de Suez, il a 1600 ans. Restauré en 2010, il est fréquenté par les pèlerins coptes et est encore habité par une douzaine de moines.

Saint Antoine passe les dernières années de sa vie sur le mont Qolzum en Thébaïde avant de mourir le 17 janvier 356 à l’âge de 105 ans.

Agression de Saint Antoine

Agression de Saint Antoine - ~1470 - Martin Schongauer - Musée Unterlinden, Colmar

Il aurait demandé à ses disciples de ne pas embaumer son corps, coutume vaniteuse selon lui, mais de l’enterrer et de garder secret le lieu de sa tombe. Selon la légende l’endroit reste ignoré durant 176 ans, avant d’être mystérieusement découvert. Les restes du saint abbé seront alors apportés à Alexandrie et déposés dans l’église de Saint-Jean-Baptiste en 529. Vers 635, les Sarrasins s’emparent de l’Egypte et menacent Alexandrie. On transfère une nouvelle fois le corps du saint pour prévenir toute profanation. Il est déposé à Constantinople dans la basilique Sainte-Sophie, vers l’an 670 où il reposa jusqu’au XIe siècle (2).

Les reliques furent ensuite transportées jusqu’en France. Elles sont à l’origine de l’Ordre hospitalier des Antonins.

Reliques

Les reliques, objets sacrés, « parcelles de l’au-delà offertes à la vénération des vivants » (4) étaient vénérées et utilisées par le pouvoir religieux et politique pour asseoir leur autorité et comme marqueurs de leurs territoires. C’est sur les reliques ou les évangiles que l’on prêtait serment et c’étaient elles que l’on portait en procession à travers la ville à l’approche de l’ennemi ou d’une épidémie.
bones v

 

En outre, les reliques permirent aussi, au travers des offrandes des fidèles, lors de processions ou de pèlerinage de magnifier les grands sanctuaires de la chrétienté.

Aux yeux des premiers chrétiens, l’exemple donné par les saints, qui avaient persévéré dans la foi au Christ jusqu’au sacrifice suprême en dépit des supplices qui leur étaient infligés, attestait la présence en eux d’un élément divin. Leurs corps, devenus temples du Saint-Esprit ne pouvaient que conserver après leur mort la trace du pouvoir surnaturel.

Roman d'Alexandre

Roman d'Alexandre - ~ 1400 - Jehan de Grise Enlumineur - Bodleian Libraries, University of Oxford

A partir du III e siècle, on prit l’habitude de rendre des honneurs particuliers aux restes des martyrs, qu’il s’agisse du corps entier, de la tête ou de simples draps tachés par leur sang. Les tombes des saints et les églises qui leur étaient dédiées constituaient autant de points de contact privilégiés entre le Ciel et la terre. Les villes possédant des reliques se sentaient protégées et plus on accumulait de reliques, plus grande était la protection.

« Un phénomène connexe, mais non moins important s’opéra dans les campagnes où le christianisme s’étendit et fut adopté par des populations germaniques étrangères aux traditions et aux valeurs culturelles de la civilisation romaine. Incapable d’accéder à la compréhension des dogmes et du discours théologique, les « païens » et les barbares privilégièrent au sein du christianisme les manifestations les plus sensibles de leur nouveau Dieu et de ses amis, les saints, dont ils expérimentaient le pouvoir à travers les victoires militaires et les miracles de ses adeptes, et adoptèrent avec enthousiasme le culte des reliques, considérées par eux comme des sortes d’amulettes ou de talismans. La virtus – le pouvoir surnaturel qui émanait des reliques — leur apparaissait comme une force immanente dont ils constataient l’efficacité sans nécessairement en comprendre clairement l’origine. » (3)

Au terme de cette évolution, autour de l’an Mille, les reliques étaient partout présentes et occupaient une place centrale dans la vie religieuse des fidèles […] En particulier, le culte des reliques contribua à diffuser chez les laïcs un sens très fort et concret de la communion des saints, c’est-à-dire de cette mystérieuse communication entre les vivants et les morts en vertu de laquelle les hommes et les femmes d’ici-bas pouvaient bénéficier des mérites des saints du paradis. […] Vers 1100, Guibert de Nogent écrivit un traité  De pignoribus sanctorum  (sur les reliques des saints) dans lequel il dénonça certains abus qui accompagnaient cette dévotion : constatant que dans la France de son temps, on ne vénérait pas moins de trois têtes de saint Jean Baptiste en trois endroits différents, il en vint à se demander s’il ne valait pas mieux laisser les saints jouir du repos éternel, que du reste ils avaient bien mérité, plutôt que de rendre des honneurs indus à des objets douteux. » (3)

Dès le XI e   siècle, le culte des reliques évolue. On attache de plus en plus d’importance aux lieux où vécurent Jésus-Christ, la Vierge Marie et les Saints, ce qui favorisa l’essor du pèlerinage à Jérusalem et en Terre Sainte et intensifia le mouvement de transfert des reliques de nombreux saints d’Orient vers l’Occident, bien avant qu’il ne soit question de croisade.

Texte très largement inspiré par « Du culte des reliques à celui du Précieux Sang » –  André Vauchez

Et aujourd'hui ?

Voici quelques lieux qui sont en possession de reliques de Saint Antoine le Grand :

  • Saint Antoine l’Abbaye en Isère – 1095 – lieu originel qui accueilli les reliques en provenance de Constaninople
  • Eglise Saint Trophime – Arles – buste reliquaire
  • Saint-Antoine dans le Gers reliquaire en forme de bras argenté
    renfermant dans une châsse en verre, les osselets d’un doigt d’Antoine le
    Grand. Offerte à l’église de St Antoine au XVe siècle par les moines Antonins.Volés en mai 2020
  • Une chapelle à Lézat-sur-Lèze s’élèvant à moins d’1km du centre du village, abrite les restes du saint. Dans la crypte jaillit une source jamais tarie. Son eau, selon une
    croyance polulaire, possède la vertu de guérir le zona, « feu de Saint Antoine » ou « mal des Ardents ».
  • A quelques kilomètres du bourg de Magny-le-Désert, en pleine forêt des Andaines, au lieu-dit  » la Héraudière « , se cache la chapelle dédiée à Saint-Antoine-le-Grand, Elle abrite des reliques depuis 1879
  • Monastère orthodoxe de la Dormition-de-la-Mère-de-Dieu situé sur la commune de La Faurie (Hautes-Alpes), au lieudit Notre-Dame. Le monastère compte en 2020, une communauté d’une dizaine de moines, et dépend de la Métropole grecque-orthodoxe de France.
  • Des fragments des reliques de saint Antoine le Grand, venus de France, ont été offerts à la paroisse dédiée au saint à Bucarest en 2017.

 

Homonyme, patronage

Saint Antoine désigne plusieurs saints chrétiens dont les plus célèbres sont Saint Antoine le Grand (~251 à 356) fêté le 17 janvier, aussi dénommé Saint Antoine d’Égypte, Saint Antoine l’ermite ou Saint Antoine l’abbé, le fondateur du monachisme chrétien, et Saint Antoine de Padoue (1195 à 1231) fêté le 13 juin.

Il est le Saint Patron des Compagnons des paniers, des Brossiers, Fossoyeurs, Militaires de la Légion Étrangère, Charcutiers, Trufficulteurs et des Papetiers Vosgiens.
Il est notamment Invoqué contre les maladies de peau

Véronique BARTELMANN

Illustration d’en-tête : La Tentation de Saint Antoine – 1500 à 1510 – Jérôme Bosch – Museo del Prado, Madrid

1- Le blog de l’Archéologie  –  Cin83

2- De la Thébaïde à Montmajour. Les reliques de Saint Antoine l’Abbé  –  Michel Baudat

3- Du culte des reliques à celui du Précieux Sang –  André Vauchez

4- Les saints et les stars – Schmitt Jean-Claude – Paris – Beauchesne – 1983, 302 p.