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Danièle et Jacques Lebaillif nous livrent leurs recherches sur l’historique de leur maison.

Au fil des années le  nom  du  domaine  est  passé de Mottier  (1809)  à  Motier (1827),  puis  à  Moutier (1878) et enfin à Moutiers (1888). Ce nom  vient du vieux français môti, môttier, moutier, moustier qui est synonyme de “monastère”.  Et en effet, il nous a été raconté  par  les  anciens que  le  nom  Moutiers viendrait du fait que la  maison aurait été construite sur les ruines d’un petit monastère qui, dans des temps fort lointains, aurait accueilli des lépreux.

monastery

C’est  possible…  car  le  monastère  de Sainte-Croix est tenu par les Antonins du XIIIème au XVème  siècle.  Cet  ordre  s’est  spécialisé  dans  les soins  apportés  aux  malades  atteints  du “mal  des ardents”.  Cette  maladie  est  due  à  l’ingestion  de pain de seigle contaminé par un parasite, l’ergot du seigle. Ses symptômes sont très proches de ceux de la lèpre et il est probable qu’à cette époque les malades affluaient au monastère pour bénéficier de la clémence de Saint Antoine et des bons soins des moines… (voir ici)

Ceux-ci ont su très tôt faire la différence entre le “mal des ardents”  non  contagieux  et  la lèpre  très  contagieuse  et il est probable que les malades atteints du mal des ardents étaient soignés près  du  monastère  et  que  ceux  atteints  de  la lèpre étaient orientés vers un endroit plus éloigné afin  d’éviter  tout  contact.

Mottier,  à  800m  du  village et du monastère, isolé par la Sûre,  pouvait  fort  bien  être un  petit  moutier  annexe  au grand   monastère   de   Sainte-Croix  et  destiné  à  recevoir les incurables contagieux…

Mais à ce jour nous n’avons trouvé aucunes traces écrites  de  ces  affirmations et suppositions…

Practica Chirurgiae (~1180)

de Roger de Salerne - Trinity College Library, Cambridge

Nous ne savons pas de quand  date  la  maison. On a retrouvé la date de 1742 gravée dans  la  pierre, mais  une  chose est sûre, la maison est déjà présente au cadastre de Napoléon de 1824 et dans les plans au sol toujours actuels.

Elle appartient alors à la famille Sibourd (Sibourg, Sibourd  ou  Sibour,  selon  les  actes  d’état  civil  de l’époque) et a pour  nom  Mottier. Les  Sibourd, Augustin  et Elizabeth, née Borel, étaient de Saint-Sauveur en Diois et sont arrivés à Sainte-Croix vers 1768 car cette année là nous trouvons la naissance de leur fils Augustin dans les registres de Sainte-Croix alors qu’il n’y a pas trace dans ces mêmes registres de la naissance des 2 frères aînés en 1765 et 1766. Cinq fils et une fille naîtront encore dans cette famille de 9 enfants.

La famille vit à Mottier trois générations  avec  Augustin  et Elizabeth  (Borel)  et  leurs  9 enfants, puis Pierre et Dimanche (Aurand) et leurs 7 enfants qui vendront la maison en 1853  à Jean Daniel Lombard Se  succèdent alors aux rênes  de l’exploitation  Jean  Daniel,  puis  Louis Aristide  et enfin Daniel Lombard. Famille protestante, ils sont inhumés “dans les champs”, dans le cimetière qui se  trouve  encore  sur  la  propriété  comme  dans beaucoup de domaines du Diois.
En 1910 les Moutiers sont cédés à Honoré  de  Richaud, issu  d’une  famille  de  vieille noblesse  du  Dauphiné.  La  famille avait perdu sa particule à la révolution, mais deux cousins, dont le père d’Honoré, se présentent devant le tribunal d’instance  de  Die et  obtiennent  la  restitution  de leur particule le 26 août 1863 pour eux et leurs descendants. Honoré, né en 1853,  récupère donc cette particule et la transmet à son fils.

Edouard, fils d’Honoré, sa femme Hermine et son fils Georges disparu précocement à 17 ans sont inhumés dans le cimetière des Moutiers.  En  1969  Maurice Poulet devint propriétaire des  Moutiers de par sa femme Berthe de Richaud, dernière descendante de cette branche de la famille. Puis par héritage, elle arrive aux  mains  de  Jean  Decorse, l’un  des  fondateurs  de  la  cave Jaillance.  Il  restaure  la  maison en 1985/1990 pour lui donner son  apparence  actuelle  et  s’y installe pour quelques années.

On  ne  peut  que  remercier ces   grandes familles  d’avoir su bâtir, sauver, préserver et embellir cette belle bâtisse des Moutiers…  en lui donnant de plus une âme et en lui forgeant une  histoire  que l’on prend plaisir à partager !

Danièle et Jacques LEBAILLIF,    feuille de Quint n°24