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Germaine Bernard se souvient :
« On me prie gentiment, puisque je connais la vallée de Quint, de bien vouloir écrire quelques souvenirs pour « la feuille de Quint ». Voici donc simplement l’histoire que Doudou Bernard, mon mari, nous racontait. Avec les enfants, nous nous amusions beaucoup du personnage de Jean Tallé !
Amis anciens de Quint et de Sainte-Croix, vous souvenez-vous de Jean Tallé ? Dans les années 30, il vivait seul, modestement, dans le beau pigeonnier de la ferme des Jossaud, plantée de lavande à cette époque par mon beau-père, Édouard Bernard et ses fils.
Jean Tallé était un petit homme ayant un grand sens de la dignité. Au village, on souriait gentiment de lui. Il vivait de peu et manquait souvent d’un sou pour satisfaire sa soif ! Alors il descendait au village, tout penaud, s’approchait du café des belle-sœurs Besson, Mme Roche et Rosa. Ah la belle Rosa, si désirable, surtout lorsqu’elle lui disait « Alors Jean, vous voulez un canon ? ». Jean se tortillait, gêné, mais acceptait pour ne pas froisser sa belle qui riait sous cape !
Dignité, disais-je. Jean tallé avait un savoir faire: il était réparateur de parapluies. Il disait avoir une sœur généreuse et coiffeuse à Saïgon.
La preuve : le facteur lui annonçait parfois l’arrivée d’un mandat à la poste de Sainte-Croix. Il accourait à pieds, attiré par ce que, pour lui, était la richesse : quelques centaines de francs ! Alors, sortant du bureau de postes, triomphant, riche, passant sur le pont de la Drôme, il balançait souverainement sa petite caisse avec ses outils en disant « Adieu le travail ! ».
Mais me direz-vous, que de mots pour dire l’existence passée d’un si modeste bonhomme … Vous avez raison. Cependant, venant en 1965 de connaître cette belle vallée et d’y être intégrée en quelque sorte grâce aux meilleurs témoins de ce pays, les Bernard, gens riches de respect, d’humanité et ne manquant pas d’esprit et d’humour bienveillant. Cet humble récit a donc l’unique prétention de les faire revivre. »
Germaine BERNARD, mai 2010, feuille de Quint n°6
Illustration d’en-tête : Simon Berger from Pexels