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Mémoire de Madame Lanthaume :
« Dans le patrimoine familial, nos parents avaient deux fours que l’on pouvait chauffer au bois. Le four à pain de Saint-Etienne dit « le four de Truchefaud » et le four de chez Richaud situé un peu plus haut dans le village.

Le four Richaud proche de notre habitation était le seul utilisé par mes parents. On le chauffait au feu de bois de chêne ou fayard pour y cuire des grosses miches pétries à la main par notre père Louis tous les 8 ou 10 jours car nous étions 10 à table tous les jours.
Mais on y cuisait aussi des pognes, des grandes tartes de courge salées ou sucrées, de prunes perdigones ou damésines préparées par notre mère Hélène Lanthaume. Et après, durant de longues heures, dans un récipient en terre vernissée, une soupe de gruau ou épeautre avec un murson pour le repas du soir. »

Comment allumait-on le four ?

 

Chacun avait un peu sa technique, en parlant avec Jeannot Caille, il me disait que son père disposait 2 gros morceaux de chêne parallèles, y plaçait entre, des branches, puis au dessus, mettait d’autres morceaux qui reposaient sur tout cela. Mon père mettait un ou deux gros fagots de genêts bien secs, puis les bûches au dessus.

Comme dans tous les fours du village, le compartiment situé en haut à gauche servait à ranger le matériel nécessaire. Il y avait :
– Une longue pelle plate en bois, avec un long manche qui servait à enfourner et défourner les pains
– Un « riable », racloir en fer en forme d’arc ou de crochet pour retirer les braises ou charbons encore chauds
– Un « Couivé », sorte de balai fait maison avec des branches de genêts pour enlever les derniers petits charbons
– Un « Panouilla » : c’était un balai à franges fabriqué avec des lamelles de sacs de jute ou carrément une « bauge » attachée à un long manche. Il servait à finir de nettoyer les cendres. On le rinçait et le trempait plusieurs fois dans un grand seau d’eau. Il servait aussi à refroidir et humidifier le four s’il était trop chaud.

 

Comment savait-on si le four était pas assez chaud, à point ou trop chaud ?

Chacun avait évidemment l’habitude de son four. Mon père regardait la couleur des briques réfractaires qui constituaient le plafond arrondi de l’intérieur du four. Il fallait qu’elles deviennent d’une certaine couleur blanche pour arrêter d’y mettre du bois. Ou alors on entendait cette phrase « Vaïlle mé caïre doué ou tré mourceau die roure ». Lorsque la couleur était jugée satisfaisante, on retirait les braises, nettoyait le mieux possible avec le panouilla, la porte grande ouverte qui laissait échapper une très forte chaleur sur le visage, bien insupportable au mois de juillet ou août.

Et ensuite venait la séquence du « tastou »

A l’aide de la grande pelle, on introduisait au milieu du four un morceau de pâte à pain appelé le tastou, gros comme le poing. On le laissait cuire quelques minutes, peut-être un quart d’heure. Lorsqu’on le retirait, sa couleur blanche, dorée ou brûlée indiquait s’il fallait repasser le pandouilla bien mouillé pour refroidir de quelques degrés. Le tastou nous était toujours destiné, à nous les enfants. Et c’est seulement après que l’on enfournait les miches une à une à une place bien précise pour occuper tout l’arrondi du four. Il fallait surveiller la cuisson pendant environ une heure.

Four de chez Richaud, four Lanthaume. La fillette est Odette Lantheaume, narratrice de ce texte. Photo 1942 : Michel Maillet

Le four de Truchefaud

Nous n’avons jamais vu cuire de pain dans ce four.

Juste à côté, dans un poulailler, notre mère avait des poules qui à cette époque-là étaient en liberté dans la journée et se promenaient dans le village, sur la place, sur les chemins, car il n’y avait pas ou peu de voitures. Il y en avait toujours une ou deux qui choisissaient le compartiment du haut du four pour aller pondre. 

C’était un plaisir pour nous de récupérer les œuf encore chauds dès que nous les avions entendues chanter, ou partir en s’envolant.

Enfin, dans le four lui même, c’était notre cachette . Nous l’ouvrions matin et soir pour venir prendre ou ranger nos bâtons lorsque nous partions garder les chèvres ou les moutons dont les « écuries » se trouvaient en face de la maison de Truchefaud. C’était aussi l’endroit où maman stockait les biberons aux grosses tétines qui servaient à faire boire les chevreaux si les mères n’avaient pas assez de lait.

Four chez Yves Cargiet, Louis Meysenc au travail. Four utilisé par la famille Maillet jusqu'en 1955. Photo : Michel Maillet

Propos de Madame Odette LANTHAUME-BAUDET, recueillis par  Jean-Claude MENGONI,    feuille de Quint n°17

N.D.W. le four de Truchefaud, après restauration, est devenu le four communal de Saint-Andéol (photo d’en-tête). Il a été inauguré le 20 juillet 2013. 

PRUNES

Les prunes perdigones et damésines citées par Madame Lanthaume sont d’anciennes variétés de prunes. On retrouve leurs traces fin 1500 dans les écrits d’Olivier de Serres (1539-1619) :

« Là et ailleurs, mesmes en Provence et Languedoc, plusieurs prunes se recueillent de diverses sortes, dont les principales sont, les trois perdigones, les impériales, les deux royales, les dattes, de Chipre, de Jerusalem, les deux brignons, gros et petit, des quatre dames, blanc, noir, violet, rouge, des trois cathelanes, vertes, blanches, violettes, des medicinales, des damaisines ; par ces noms presques cogneues partout » 

 
Prune Perdigone

Elle existe en variété blanche ou violette

Nom : Prune Perdrigone, Perdigone 
Perdrigon d’après le « Petit Robert » nom masculin (XVI siècle ; du provençal perdigon « perdreau », variété de prune, dont la couleur rappelle celle de la gorge des perdrix rouges.
Synonymes :
Perdrigon blanc :  Brignole, Maitre Claude, perdrigon
Perdrigon violet : perdrigon violet hâtif, Brignoles, Prune de Brignoles, pistole, Pruneau pistole
Nom latin : Prunus Domestica L.

Ce prunier provençal , dont la ville de Brignoles a fait sa spécialité. a une bonne vigueur, un bon comportement à la taille et s’adapte très bien à l’altitude. Il fleurit en avril-mai, les fruits arrivent à maturité en aout-septembre.

Perdrigon blanc : Calibre moyen, forme ovale, épiderme épais, de couleur jaune pâle virant rouge à l’insolation, picoté de points blancs, Chair verdâtre, juteuse. Goût doux, parfumé,
Perdrigon violet : Calibre petit à moyen, forme ellipsoïde, épiderme vert virant pourpre à maturité en août. Chair jaune, ferme. Goût très fin, eau abondante, sucrée, bien parfumé.

La prune de calibre petit à moyen est destinée à être séchée, cuite en tartes ou distillée pour la production d’eau de vie.

Séchée, dénoyautée, tapée, la prune prend le nom de « Pistole » En effet elle ressemble alors à la pièce de monnaie espagnole du même nom à l’effigie de Charles Quint.
Il existe différentes techniques pour la sécher. Echaudée, pelée, dénoyautée, pour les recettes les plus fines, simplement échaudées pour d’autres. 

Pour le séchage elles étaient ensuite « piquées » sur un « buisson » constitué d’un faisceau de paille de seigle lié autour d’une branche munie de baguettes d’osier pointues.

François Ier fit diffuser la production de la Pistole en 1538. Se rendant à Nice, il s’arrêta à Brignoles où on lui offrit des pistoles. Depuis on la retrouve dans toutes les cours royales d’Europe.

En lire plus sur la culture des prunes et la fabrication des pistoles : site du Parc du Verdon

Prune Damésine ou Damassine

Il exsite plusieurs variétés de pruniers portant le nom de Damassine, a été écartée  celle très bien adaptée au Pays d’Ajoie en Suisse et des communes frontalières françaises.

Synonymes : reine claude verte, grosse reine claude, petite reine claude, dauphine, abricot vert, verte bonne
Nom : Reine Claude
Varièté très anciennement introduite dans le sud-ouest. La Reine Claude Dorée ou Reine Claude Verte à été dédiée à l’épouse de François I°, la reine Claude. 
Nom : Damassine
On dit que le Nom de Damassine vient de Damas et que ce prunier a été rapporté par les Croisés de retour de Syrie.
Nom latin : Prunus Domestica L. 

Peut avoir été introduit par les Romains. Son ancienneté et sa grande diffusion ont été à l’origine d’une variété population où les clones sont plus ou moins dorés, plus ou moins verts.

L’arbre, très productif a un port vigoureux, étalé et peu ramifié, difficile à former. Il demande peu de soins et d’entretien. Il est autostérile. Le fruit jaune doré à chair ferme est jaune verdâtre, très juteux, très sucré, acidulé. Il est utilisé pour les confitures, les tartes, les  Conserves à l’eau de vie ou  frais. 

 

Véronique BARTELMANN

Source variétés de fruitiers : fruitiers.net